Par Raphaëlle Rémy-Leleu et Emilie Sarrazin

“Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte. Quand il montre le bout de son nez, on dit : « C’est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! » Et puis un jour, on le prend en pleine face, et il est trop tard pour le repousser.”

L’incrédulité décrite par Françoise Giroud est la même que celle qui a surgi suite aux images d’Elon Musk, le bras tendu dans un geste nazi dont il n’ignore rien de la signification. Provocation ? Malentendu ? Nous ne faisons pas partie des politiques incapables ou réticent·e·s à reconnaître les signes du fascisme. Le réveil peut être brutal. Ce fut le cas pour les militant·e·s en Hongrie ou en Italie. Leur engagement est devenu quasi clandestin :  réunions secrètes, communication cryptée, passage offline. Sommes-nous prêt·e·s ?

La bascule fasciste, c’est la désagrégation calculée des libertés fondamentales, l’instauration d’un régime autoritaire et la répression des oppositions. En France, les attaques contre le service public, les médias libres, et les militant·e·s s’intensifient, laissant entrevoir ce que deviendrait notre démocratie aux mains de l’extrême droite.

Le travail de Gwendoline Delbos-Corfield et des scientifiques nous guide : leur « stress-test » de l’État de droit a évalué la résistance des institutions et des contre-pouvoirs de plusieurs états face à une extrême droite victorieuse ... Et notre pays n’est clairement pas prêt. Nos protections sont faibles, alors que les digues politiques s'effondrent une à une. Nous devons inclure ce risque à nos discours et stratégies. Mais aussi nous doter d’outils pour protéger nos idées, notre organisation, nos militant·e·s et les institutions que nous dirigeons. Nous devons dépasser la sidération pour nous préparer à résister efficacement. Chaque amélioration pour anticiper la crise fera progresser notre collectif dès maintenant.  Imaginons qu’une ville française soit touchée par des inondations semblables à celles de Valencia ; nous aurions à réagir vite et bien pour limiter les dégâts, organiser la solidarité et proposer des réactions politiques adaptées. Cette réactivité, indispensable face aux catastrophes climatiques, est aussi cruciale en cas de bascule fasciste.

Nous devons donc créer une cellule de crise, à la fois politique et opérationnelle pour nous préparer sur 5 axes :

  1. Humain : protéger les écologistes, partout, tout le temps
  2. Financier : diversifier nos ressources pour limiter nos dépendances
  3. Matériel : acquérir des lieux et outils autonomes
  4. Numérique : généraliser le chiffrement, les pratiques et les outils sûrs
  5. Institutionnel : créer des garde-fous au sein de notre mouvement et nos institutions

La formation reste un levier clé. Sensibiliser aux dangers de l’extrême droite et partager les bonnes pratiques avec des partenaires du mouvement social forgeront les bases d’une résistance collective.

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